Gravure : technique et évolution
Louttre.B accorde une place prioritaire à la peinture. La gravure lui semble moins importante, plus facile. Au-delà de l'opposition entre une création unique et une autre que l'on peut multiplier, l'oeuvre gravée de Louttre reste d'une très grande originalité et occupe une place remarquable aux cotés de sa production picturale.
Pléthorique aussi, puisqu'au cours de sa vie, Louttre.B créera plus de 3000 oeuvres gravées, en parallèle de la peinture et de la sculpture.
Autour de 1958, Louttre.B réalise quelques aquatintes mais c'est à partir de 1960 qu'il grave régulièrement sur zinc, sur cuivre, sur linoléum et sur bois, support qu'il adopte définitivement à partir de 1962. Avec la gravure en taille-douce, il va mettre au point une technique tout à fait originale, qui ne correspond à aucun des procédés connus et pratiqués depuis le XVe siècle par les graveurs. La maîtrise de la gravure sur la matrice en bois est telle chez Louttre qu'il passe avec un bonheur égal de la carte de voeux aux grand format (120x80cm), sans parler des méga-gravures des années 70.
Processus de création
Le dessin est d’abord réalisé sur une plaque de bois de ligne, puis creusé sur la plaque. Les couleurs - des encres d’imprimerie - sont ensuite déposées au pinceau dans les creux du bois. La plaque est ensuite posée sur la presse, et pressée contre du papier Richard de Bas (papier de chiffons) préalablement humidifié. Le dessin apparaît alors en relief sur le papier.
Ci-contre, on voit la plaque faite sur bois de ligne, permettant de faire la gravure. La couleur est appliquée dans les espaces creusés dans le bois, le papier est ensuite appliqué et pressé pour obtenir la gravure finale.
Vient alors le moment du tirage. Là aussi, Louttre.B se démarque des autres graveurs. Il tient à tirer ses oeuvres lui-même. C'est une véritable besogne, mais où les couleurs naissent, s'expérimentent et rivalisent par la recherche de l'artiste. L'artiste faisait souvent plusieurs tests de couleurs avant de choisir les couleurs définitives.
Suite à la réalisation des méga-gravures, Louttre.B utilisera essentiellement sur la plus petite des 2 presses, jusqu'à la fin de sa vie.
Les balcons de Sienne, plaque gravée en bois de ligne
Louttre.B dans son atelier de gravure, Lot, 2010
Les gravures de Louttre.B étonnent par leurs reliefs, car sous la forte pression des rouleaux, le papier humide se moule dans les profondes entailles de la matrice, et en séchant, offre une épaisseur colorée rare chez les autres graveurs.
Le style de gravures de l'artiste suivra l'évolution de sa peinture avec le temps. Comme pour la peinture, on retrouve dans les gravures de Louttre.B la période des nanas, avec ses formes géométriques, début des années 70, ou style s'inscrivant dans le cycle des enseignes, à la fin des années 70.
Les thèmes restent les mêmes, largement dominés par les paysages rêvés et les natures mortes. D'ailleurs, comme dans la peinture, le sujet importe peu, et l'idée, vague au départ, se concrétise petit à petit sous la main et l'inspiration de l'artiste. La recherche de ces couleurs belles et fortes est analogue aussi, et, si la gravure ne permet pas ces mélanges heureux de sable et de peinture, elle donne en revanche le grain du papier et ces reliefs colorés surprenants.
La gélinotte, 1988, 56 x 76cm
Les méga-gravures
En 1960, Louttre.B commence à graver avec son ami Marcel Fiorini, graveur également, selon un procédé très particulier : la gravure en couleurs sur bois tirée en taille-douce.
Il fabrique, pour ces gravures, une presse de 1,20 m d'ouverture avec des rouleaux de meunerie.
En 1969, il en fabriquera une de 2,20 m d'ouverture avec des matériaux de récupération, pour imprimer des gravures de deux mètres de large sur trois mètres de long. Il faut 4 personnes pour encrer, afin que la couleur ne sèche pas au fur et à mesure, et pour tourner la presse. Louttre B la motorise en 1972.
"Je façonne ma planche un peu à la manière d'une sculpture, comme s'il s'agissait d'une oeuvre en soi. Les problèmes de tirage ne se posent - et ne se résolvent - qu'ensuite. " Louttre.B
de g. à d. : Marcel Fiorini, Louttre.B, Paul Decottignies
de g. à d. : Marcel Fiorini, Louttre.B, Paul Decottignies
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Louttre.B et Fiorini expliquent: "Rien n'existe à ces dimensions: ni matériel, ni matériaux... La feuille de papier étant trop fragile, la solution consistait à la coller sur un tissu résistant comme un feutre de laine. Et puis, il a fallu construire une presse! Les essais, les tâtonnements, les échecs aboutirent à la technique définitive. Pour chaque feuille imprimée, une demi-journée d'encollage et une autre demi-journée de tirage ont été nécessaires.
Cependant, l'ambition n'a pas visé le tour de force, mais bien le passage de la gravure pour la main à la gravure pour le mur."
8 méga-gravures sont exposées à la galerie Jeanne-Bucher à Paris en 1970 : 4 de Louttre B et 4 de Fiorini.
Livres gravés
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Le Néon de la vie, 1967
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Le Tarot des Familles, 1976
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Les Douze Émois, 1980
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Les Très Riches Heures, 1985
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Pauvre Gaspard de Verlaine, 1995
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Le Bogjo's Bohmp de Walter Léwino, 1996